Barjot by Inconnu(e)

Barjot by Inconnu(e)

Auteur:Inconnu(e) [Inconnu(e)]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2017-04-06T08:43:10+00:00


Une enseigne lumineuse clignote. Jette des flaques de lumière néoneuse sur le trottoir, nimbe les passants d’une aura colorée. Éclaire par intermittence une tapineuse recroquevillée dans l’encoignure d’un porche. Un panier à salade est déjà passé deux fois dans la rue, au pas. Maraude. Il y a de la rafle dans l’air. La prostituée sait lire les signes avant-coureurs. La raréfaction des badauds émoustillés. La fuite précipitée des joueurs de bonneteau qui occupent régulièrement le coin de l’avenue fleurie de sex-shops. Les copines qui disparaissent dans les bars sans client pour leur tenir la porte. Seules les vieilles pipeuses restent fidèles au poste, elles ne craignent plus les sous-sols du Dépôt. Mais les tiroirs anonymes de la morgue : une passe en moins et c’est la dèche, la faim, la mort au bout du bitume dans la froideur d’un petit matin clairet.

Le car pie fait un troisième passage, moteur au ralenti, gyrophare éteint. À travers les vitres grillagées, la fille de joie aperçoit une perruque échevelée, un décolleté généreux pailleté de strass. Importation directe de Rio. Deux têtes crépues, aussi, dont les visages se fondent dans l’ombre du fourgon, qu’on devine courbées par la défaite. Pris. Garde à vue. Les flics passent, sans voir la silhouette aux formes rebondies qui ne bouge pas plus qu’une statue. Voudrait s’amalgamer au bois du battant monumental qui lui meurtrit les fesses tant elle s’y presse.

Saleté d’enseigne. La pute jure à mi-voix. Respire plus librement, le car s’éloigne. Les néons du bar d’en face sont autant de projecteurs de tour de guet braqués sur ses fards débordants. Autant de risques de se faire embarquer par les poulets en chasse. Mais faut montrer la marchandise, pour alpaguer le client plein aux as. Montrer un peu, pas trop. L’âge commence à marquer la chair, sans compter les heures de vol. Elle est à la limite du hors-jeu. Le sait. Et Riton qui a décidé d’augmenter le pactole journalier, l’enflure. Mauvais pour elle, ça. Plus la barre est haute, plus il faut ramer.

Alors elle est plantée dans son encoignure, stoïque. Au risque de se faire emballer. Ça vaux mieux que de perdre une occasion de remplir sa bourse en vidant celles d’une âme en peine de coït. Sinon c’est la rentrée avec du manque à gagner à la clé, et les premiers pas vers la retraite anticipée façon Riton. Et une dérouillée du susnommé, qu’on n’appelle pas pour rien Les Bagouzes dans le Mitan : il a trois chevalières en or à chaque main.

Des phares dans la rue. La pute panique à nouveau, une envie irrépressible de traverser et chercher refuge dans le bar à l’enseigne l’envahit. Tant pis pour Riton.

Elle quitte l’abri du porche. Se compose une attitude de ménagère rentrant chez elle. Marrant. Se fige sur le trottoir. Ce n’est par le panier à salade, mais une bagnole chouette, une grosse machine allemande, elle reconnaît le modèle. Son mac s’était tâté pour une pareille l’année dernière. Avant d’opter pour une italienne rugissante qu’il a définitivement garée dans un platane sur la route de Senlis.



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.